Décembre 1916 : L’affaire du ramassage du bois mort

 

Pendant la première guerre mondiale, les restrictions de charbons auxquelles font face les habitants d’Epinay, comme ceux du reste de l’Europe, le manque de moyens et le froid rigoureux peuvent les mener à des actions radicales. L’affaire du ramassage du bois mort qui va défrayer la chronique spinolienne pendant l’hiver 1916-1917 en est la preuve. Les traces de cette histoire nous sont restées grâce à la correspondance entretenue entre le Maire et le Sous Préfet, un procès-verbal collectif ayant été dressé.

 

Depuis septembre 1914, les femmes du village allaient tous les jours en forêt de Sénart ramasser du bois mort pour se chauffer et cuire les aliments. Plus la saison avançait, moins il y avait de bois mort à ramasser. Elles coupaient alors du bois vert, c'est-à-dire des arbres encore jeunes, sur pieds. Les services forestiers et les gardes s’en émurent et l’affaire se reproduisant chaque hiver, menacèrent la commune d’être tenue pour responsable des dégâts.

Le 20 novembre 1916, Le Maire, André Lot, par ailleurs propriétaire de la Ferme et d’une grande partie des prés, bois et terres agricoles d’Epinay-sous-Sénart, proposa par avis le ramassage du bois mort dans un de ses terrains les 1er et 8 décembre 1916 de 2 à 4 heures de l’après-midi. La trentaine de femmes qui se présentèrent le 1er décembre purent ramasser le bois qui leur était nécessaire. Il en restait sans doute beaucoup moins le 8 décembre puisque jugeant la quantité insuffisante, une quinzaine de femmes retournèrent en forêt couper du bois vert. André Lot fit couper une partie de son bois des étangs (environs trois hectares) pour leur fournir. Entre temps, le nombre de demandeurs s’était accru et, de ce fait, la part de chacun fut réduite. Une sorte d’émeute se produisit le 21 décembre, une vingtaine de femmes retournèrent en forêt où, selon André Lot, elles ravagèrent un carré de la forêt. Après constatation du délit, le garde forestier et son supérieur vinrent se plaindre au Maire, dresser procès-verbal et lui reprocher le manque de vigilance de la part des agents communaux. Le garde champêtre déclara « avoir fait des observations qui ne furent pas écoutées et avoir dressé la liste des délinquantes ». Cette liste fut transmise aux agents forestiers. Ils se rendirent ensuite chez chacune des femmes pour obtenir une transaction mais toutes ayant refusé, un procès-verbal collectif fut dressé à leur encontre. La liste dressée par la municipalité montre que toutes avaient un membre de leur famille proche (mari, fils, gendre, petit-fils) mobilisé ou tué à la guerre, que la plupart d’entre elles avaient très peu de ressources et bénéficiaient des secours municipaux. André Lot demanda l’indulgence voire l’oubli de l’Etat dans cette affaire, qui fut accordé après la fin de la guerre

 

 

Interdiction de ramasser, d’enlever du bois en forêt sur les travaux de défense ou de déboisement

 

Avis

 

Le Maire s’empresse de porter à la connaissance de ses administrés la lettre qu’il vient de recevoir de Monsieur le Commandant du Génie.

Le chef de bataillon commandant le génie du secteur 5 bis à Monsieur le Maire d’Epinay sous Sénart. J’ai l’honneur de vous prier d’aviser à son de caisse les habitants de votre commune qu’il est formellement interdit sous peine de poursuites, d’enlever aucune espèce de bois dans les parties de la forêt de Sénart, les bois ou boqueteaux particuliers où le service du génie Militaire fait procéder à des travaux de défense ou de déboisement.

Ce 2 septembre 1915

Le Chef de bataillon

Commandant le Génie du secteur 5 bis

Signé Pujol

 

les faucheuses d'Epinay-sous-Sénart
les faucheuses d'Epinay-sous-Sénart